Le roman à clés, c’est un genre littéraire où les personnages et les événements fictifs représentent des personnes et des faits réels, souvent de manière déguisée ou sous couvert d'anonymat ou de pseudonymat.
Ce genre permet aux auteurs de traiter de sujets délicats, polémiques ou intimes, en utilisant une fiction apparente pour dissimuler la réalité sous-jacente. Ce procédé offre un double avantage : protéger les personnes concernées et enrichir l'intrigue de l'œuvre avec des éléments fictionnels qui accroissent l'intérêt et l'implication du lecteur.
Généralement, les romans à clés exploitent des situations controversées, politiques, historiques ou personnelles, offrant une critique sociale ou politique déguisée. L’identification des clés – c’est-à-dire, les correspondances entre la fiction et la réalité – est souvent un jeu intellectuel pour le lecteur, qui cherche à deviner qui se cache derrière chaque personnage et quel événement réel se dissimule derrière chaque intrigue.
Exemple illustratif : "Mélodie en haine mineure"
Pitch du Roman
"L’été 1992, Mourcoing, une cité frontalière qui peine à survivre après la faillite du secteur textile. La seule chose qu’il reste aux habitants : faire la fête le week-end pour oublier le chômage et la misère. C’est sans compter le tireur fou qui se fait appeler Fantômas et qui se balade la nuit, le flingue à la main. La nuit, il erre et tire sur tout ce qui bouge.
Hiver 2015. Fantômas meurt en prison des suites d’une overdose. Pour seul testament, il laisse à sa mère un petit billet sur lequel il avoue ne pas avoir été le seul meurtrier. Il n’en faut pas plus à José Blanpart, un ancien enquêteur, pour reprendre l’enquête. Seul, il sait qu’il n’ira pas bien loin. La solution ? Convaincre Tom Roussel de plonger avec lui au cœur de cette affaire que tout le monde croyait résolue."
“Mélodie en haine mineure” : un roman à clés ?
"Mélodie en haine mineure" utilise une série de faits réels comme point de départ. Bien qu’imaginaire la ville de Mourcoing, avec ses difficultés économiques et sociales, représente de nombreuses villes sises sur la frontière franco-belge. Des cités ayant subi le déclin industriel des années 70-80, et une seconde lame de fond avec l’ouverture des frontières et la disparition des agences en douanes.
Le personnage de Fantômas, un meurtrier mystérieux, est inspiré d’un criminel réel ayant semé la terreur dans les rues la nuit.,
En arrière-plan, le roman explore des thèmes de désespoir, de survie et de quête de vérité, typiques des œuvres de ce genre.
La révélation posthume de Fantômas ouvre la voie à une enquête complexe et psychologiquement intense, où les vérités cachées derrière les apparences doivent être découvertes.
Les personnages de José Blanpart et Tom Roussel symbolisent la persévérance et la quête de justice, tout en étant des figures fictives peut-être inspirées de véritables enquêteurs ou figures locales.
Ce que l’auteur en dit …
Quels sont les principaux avantages d'utiliser des clés pour représenter des personnes ou des événements réels dans une œuvre de fiction ?
Je trouve qu'il est toujours plus facile de partir de faits réels pour écrire un roman. Cela évite le fameux syndrome de la page blanche. Quand on peut se raccrocher à la réalité, c'est toujours plus aisé. De plus, comme il n'y a jamais "une seule vérité", le roman à clés permet au narrateur de confondre les différents points de vue. Pour l'auteur, cela donne la possibilité d'imaginer et de combler les vides que laisse la vie.
Quelles sont les principales difficultés rencontrées par les auteurs lorsqu'ils écrivent un roman à clés ?
Elles sont nombreuses, mais ne diffèrent pas de l'écriture d'autres romans d'un point de vue technique. Bien sûr, le roman à clés nous rend plus exposés à la réalité, si je puis m'exprimer ainsi. Les risques de procès existent. Mais de nos jours, ce sont souvent les tribunaux populaires (les réseaux sociaux) qui jugent les œuvres et leurs auteurs.
Pourriez-vous citer quelques exemples célèbres de romans à clés dans la littérature et ce qui les rend marquants ?
Il y en a tellement. Parmi les plus connus, on peut citer Contrepoint d’Aldous Huxley ou encore, plus subtilement, “La Ferme des animaux “de George Orwell, sans oublier Hemingway avec son “Le soleil se lève aussi”. Ça, c’est pour la grande littérature. N’oublions pas Gérard de Villiers et son Malko Linge dans les SAS. L’auteur y décrivait des situations passées (et parfois anticipait l’avenir) avec un certain brio. Qu'est-ce qui rend ce type d'ouvrages marquants ? Je crois que c’est le jeu qui s’installe entre le lecteur et l’auteur. Après “Opération BrabanCIA”, j’ai reçu de nombreux témoignages de personnes qui, après la lecture de cette fiction, avaient décidé de se lancer dans la réalité de cet épineux dossier qu’est l’affaire des Tueurs du Brabant wallon.
"Mélodie en haine mineure" est basé sur des faits réels. Pourriez-vous nous en dire plus sur les événements et les personnes qui ont inspiré cette histoire ?
Dans la mesure où l’ouvrage n’est pas encore sorti officiellement (sa sortie est prévue pour le mois de septembre 2024), je préfère laisser les lecteurs découvrir l’intrigue et les faits qui m’ont inspiré. Toutefois, les communications sur l’ouvrage permettent déjà aux lecteurs d'effectuer quelques recherches.
Comment avez-vous abordé la tâche délicate de transformer ces événements réels en une intrigue de fiction captivante ?
J’ai eu la chance à l’époque de participer au procès de Fantômas. Pour certaines raisons personnelles, j’étais proche du dossier et disposais donc de nombreuses informations. Par chance, le père d’un de mes amis, qui a d’ailleurs écrit la préface du roman, a été l’un des enquêteurs qui a fait tomber le criminel. Grâce à ses souvenirs, à son réseau et à quelques documents de l’époque, j’ai pu plonger dans le dossier. (Rires) Pour l’ambiance et ce que les Anglais appellent le "background", il m’a suffi d’inventer Mourcoing en m’inspirant d’une ville où j’ai vécu toute mon adolescence.
Le personnage de Fantômas est central dans l'histoire. Comment avez-vous construit ce personnage à partir de la réalité ?
Je n’ai pas eu besoin de beaucoup retoucher le personnage. Bien sûr, Antoine Duzier (l’identité fictionnelle de Fantômas) est une pure invention. J’ai bâti la personnalité d’Antoine à partir de celle de Fantômas. J’ai travaillé à l’envers de la vie finalement.
Quels sont les thèmes principaux que vous souhaitez explorer à travers ce roman ?
Je pense avoir accordé beaucoup de place à la psychologie des personnages et à la particularité des lieux, de l’époque et des ambiances. Disons que je suis parti du principe, puisque c’est un roman à clés, que les événements sont la somme d’un tas de choses vécues, parfois différemment, par les uns et les autres. J’insiste surtout sur l’impact et la responsabilité des différents acteurs dans ce genre d’histoires. Il y a bien sûr l’auteur des crimes et ses victimes, et c’est souvent cela qui est mis en avant lors des procès d’assises. Mais n’oublions pas que notre société est, elle aussi, responsable de ce qu’elle crée, de ce qu’elle interdit, oblige ou tait.
Comment avez-vous équilibré la fidélité aux événements réels et les nécessités de la narration fictionnelle ?
Comme pour mes autres romans, je suis parti du principe que j’avais envie d’écrire des choses plus plausibles que possibles. Il n’y a donc pas d’équilibre entre la réalité et la fiction. Il y a plusieurs réalités qui traversent des miroirs déformants.
Quels messages ou réflexions espérez-vous que les lecteurs retiennent après avoir lu votre roman ?
Je n’ai pas ce genre de prétention à l’esprit lorsque j’écris. Je cherche surtout à ce que le lecteur y trouve des “espaces temporels” de déconnexion, d’évasion. Qu’ils y trouvent ce qu’ils y cherchent, et cela me va bien.
Quels sont vos projets futurs ? Envisagez-vous d'écrire d'autres romans à clés ou de vous aventurer dans d'autres genres ?
On est dans le top secret… J’ai pas mal de projets en cours. Je travaille déjà sur d’autres choses. Nous en reparlerons.
Y a-t-il quelque chose que vous aimeriez ajouter ou partager avec nos lecteurs à propos de "Mélodie en haine mineure" ou du principe du roman à clés en général ?
Lisez-le ! Offrez-le.
Propos recueillis par C.G